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Paroles

2e semaine de Carême (21 février 2016)

Nous venons d’écouter l’épisode de la Transfiguration dans l’évangile de Luc (9, 28-36). Un texte remarquable parce qu’il nous montre Jésus dans un Face-à-face avec Dieu. Le visage du Fils vient à la rencontre du visage du Père. Avec nos yeux d’homme et de femme, nous savons qu’un face-à-face aboutit à un cœur-à-cœur. Ce cœur qui est notre seul véritable moteur de la vie terrestre. Tous nos sens y participent et en particulier « les yeux qui sont en relation avec notre cœur. L’homme de la Bible attribue ainsi aux yeux les intentions profondes du cœur, comme le désir, l’espérance, l’humilité, la pitié mais aussi l’orgueil (Is 2,11) ou la dureté (Dt 15,9) ou la convoitise et l’envie (Mt 5,29 ; 18,9 ; 2 P 2,14 ; 1 Jn 2,16) »1

Temps du Carême : temps d’une nouvelle contemplation de Dieu
Pour ce face-à-face en devenir, écoutons saint Jean-Paul II : « La beauté, qui est l’un des termes privilégiés en Orient pour exprimer la divine harmonie et le modèle de l’humanité transfigurée, se révèle partout : dans les formes du sanctuaire, dans les sons, dans les couleurs, dans les lumières, dans les parfums ».2

Ainsi, dans ce grand vaisseau de l’Église qu’est notre cathédrale, nous pouvons puiser aux sources de l’amour par toutes les expressions de l’art sacré. Des vitraux aux sculptures, des peintures au mobilier liturgique, des chandeliers de lumière à la musique portée par l’air… Tout concourt pour que nos sens nous rapprochent des représentations de Dieu et par l’action de l’Esprit Saint, toucher Dieu.

Redécouvrons-les en cette année Jubilaire de la Miséricorde par le pèlerinage proposé ici-même et arrêtez-vous par exemple sur le vitrail du Fils prodigue, dans le déambulatoire derrière moi, presque dans l’axe de la nef. En son point culminant, méditez la scène de réconciliation entre les deux frères initiée par le Père. Quelle puissance et quel amour du Père ! Le Père est constamment prêt à pardonner. Il est tout entier désir de pardon ; c’est nous qui ne le sommes pas, par orgueil, paresse ou indifférence.

De par la mission que m’a confiée notre évêque, je voudrai aussi évoquer un autre face-à-face, comme « une œuvre spirituelle destinée à conseiller, enseigner, pardonner, avertir et prier »3

Je vous propose la représentation iconographique de la Transfiguration4, comme un instantané de l’évangile de Luc que nous avons médité ce dimanche. Tout semble figé. Le Christ transfiguré au centre sur le Mont Thabor au premier plan, avec au pied de la montagne ses trois fidèles disciples Pierre, Jean et Jacques. Au second plan sur une autre montagne Moïse et Élie sont tournés vers le Christ, de part et d’autre. Et entre ces deux montagnes trois personnes circulent de gauche à droite ! Voilà le décor posé. « La scène de la Transfiguration se dit en termes de couleurs, d’éblouissement et d’illumination… »5

La couleur et la lumière
« Les couleurs sont détachées des intentions de la représentation réaliste… Le monde artistique des couleurs est celui des couleurs du monde, mais saisies dans leur correspondance et connivence avec les couleurs de l’âme et de l’univers spirituel… Les couleurs s’ouvrent à une dimension symbolique… L’art de l’icône vise l’accord, la fusion de la beauté visuelle et de la manifestation approchée de l’invisible signifié. »5

Approche descriptive de l’icône
Maintenant entrons dans la description des personnages car leurs attitudes nous révèlent quelles relations nous pouvons avoir avec le Christ.

Sur la droite, Moïse porte les tables de la Loi avec ses mains recouvertes du tissu de sa robe comme une manifestation respectueuse. C’est aussi un geste d’offrande. Sur l’autre versant de cette montagne aux couleurs bleutées, Élie semble s’entretenir avec le Christ. Sa main tendue est le prolongement de sa parole de prophète. Le prophète annonce Dieu et sa miséricorde. Ces deux voyants de la 1re alliance sont tournés vers le Christ.

Jésus, debout, amorce un geste de bénédiction (les deux natures de Jésus Christ, humaine et divine, dont l’union est figurée par la jonction du pouce et de l’annulaire de la main droite qui bénit). Derrière Jésus on perçoit comme un tissu rouge tendu, aux 4 coins bien pointus (pour nous évoquer peut-être les 4 évangélistes ?). Toujours derrière le Christ, une mandorle aux 3 couleurs (de l’extérieur, vers l’intérieur, les couleurs vont du sombre à la lumière ; le centre est même étincelant et rayonne – 6 groupes de 3 rayons). Les vêtements de Jésus sont blancs (difficile de les faire étincelants mais la tunique comme le manteau portés sont blancs). « Cette lumière est dite ‘incréée’. Cela signifie qu’il ne s’agit ni d’une lumière naturelle comme celle qu’émet le soleil ou que reflète la lune, ni d’une lumière artificielle comme celle que nous pouvons produire avec une allumette, un cierge ou une ampoule électrique. C’est, au contraire, une lumière qui vient d’ailleurs et qui est la manifestation de Dieu sur terre. Cette lumière est interprétée par les Pères de l’Église comme étant la présence de l’Esprit-Saint. Jésus est là, tout nimbé de lumière, et la voix du Père retentit ‘Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le !’ La Transfiguration du Christ sur le mont Thabor est, par conséquent, une manifestation de Dieu en trois personnes.»6
Dans le sacrement du baptême, le nouveau baptisé est revêtu du vêtement blanc, homme nouveau, plongé dans la mort et la résurrection de Jésus… Vous devinez bien la transfiguration de Jésus comme une anticipation de l’événement pascal.
Le regard du Christ ne répond pas aux deux voyants Moïse et Élie mais il regarde celui qui contemple et prie l’icône. Voici le Face-à-face auquel je suis convié : la rencontre du Fils de Dieu transfiguré.

Au pied de cette montagne (centrale) se trouvent les 3 apôtres, dans des postures chavirées qui semblent en mouvement. D’après les visages, nous reconnaissons à gauche Pierre qui protège son oreille de la main gauche (lorsqu’une voix se fit entendre) et qui trébuche. Jean le personnage central, imberbe, fait une cabriole (il est comme projeté au sol – souvenez-vous de Paul sur le chemin de Damas) et enfin Jacques qui est déjà au sol et qui se maintient difficilement en équilibre tout en cachant son regard de sa main droite. La lumière en face-à-face fait mal. Les apôtres furent comme aveuglés par la gloire du Christ. Puissance de la lumière divine, faiblesse de notre regard. Puissance de la parole, faiblesse de notre cœur lent à croire. Un appel à la conversion.

La montagne, sur laquelle se trouvent Jésus et les disciples, est vivante, d’une couleur de terre. Des arbustes y poussent. Elle manifeste la création et nous impose le respect. Et le pape François de nous inviter à « …préserver l’environnement, prêter attention à la beauté, et l’aimer, pour nous aider à sortir du pragmatiste utilitariste… »7 et de poursuivre « … la crise écologique est un appel à une profonde conversion intérieure… Vivre la vocation de protecteurs de l’œuvre de Dieu est une part essentielle d’une existence vertueuse… »8 Cette terre, notre terre, Jésus la foule de ses pieds nus, comme il enverra ses disciples en mission, sans argent, ni sac, ni sandales (Lc 10, 4). Un contact naturel qui peut nous éveiller à «  Une écologie intégrale. Celle-ci implique de consacrer un peu de temps à retrouver l’harmonie sereine avec la création, à réfléchir sur notre style de vie et sur nos idéaux, à contempler le Créateur, qui vit parmi nous et dans ce qui nous entoure, dont la présence ‘ne doit pas être fabriquée, mais découverte, dévoilée’.»9

Deux scènes s’insèrent dans le milieu de l’icône, à l’horizontal : une scène qui traverse l’espace-temps de notre monde « Dieu qui est, qui était et qui vient », maintenant, hier et aujourd’hui. La permanence de Dieu dans notre vie, éphémère, terrestre.

À gauche, Jésus emmène seulement 3 apôtres : Pierre, Jacques et jean. Il s’agit de ceux qui ont été témoins de la résurrection-réanimation de la petite fille de Jaïre, le chef de la synagogue (Mc 5,37). Et ce sont les mêmes apôtres qui seront témoins de l’agonie de Jésus à Gethsémani (Mc 14,33). Là encore, une certaine permanence dans l’accompagnement du Christ : dans la souffrance (que ce soit la mort de la fille de Jaïre, sa propre agonie mais encore aujourd’hui avec nous, dans notre péché). Jésus montre la voie (main et bras gauche levés), l’unique voie du salut qui passe par le Père. Un accompagnement vers la résurrection, notre résurrection, notre avenir, notre espérance, notre salut. « Ils gravissent une montagne. Dans la Bible, la montagne est un lieu important, elle symbolise l’effort de l’homme pour s’éloigner du monde et de la foule, pour s’élever vers Dieu, là où l’air est plus pur. »10

À gauche de l’icône, Jésus entraîne les 3 apôtres à sa suite. À droite, Jésus les envoie en mission, tout en leur défendant de dire quoi que ce soit avant que le Fils de l’homme ne soit ressuscité ! Faire confiance au Christ, quoi qu’il arrive. Jésus est bien le prophète annoncé par Moïse (Dt 18,15).

Dans ce mouvement transversal, on devine une légère ascension… vers le Christ en gloire… puis une légère descente. Puis-je faire une analogie de cette montagne, où le Christ est à son sommet, avec la coupe offerte ou encore avec l’élévation de l’hostie par le prêtre, tenue à bout de bras : Christ présent au milieu de nous dans l’eucharistie !

Appelés à se laisser transfigurer
L’œuvre spirituelle, que nous évoque le pape dans son message de Carême, trouve alors un écho dans cette contemplation-prière. Jésus est présent dans nos vies. Comment lui faire une place pour qu’à mon tour je puisse rayonner de son amour miséricordieux ? L’icône permet de toucher du regard (et du cœur comme je le disais auparavant) l’amour de Dieu. Une proximité dans laquelle je pourrai à mon tour me reposer en totale confiance puisque l’amour de Dieu, par son Fils et l’Esprit, agit en moi. Puisqu’il nous invite à transfigurer nos vies ! Dans cette confiance, j’accepte librement de rayonner de Lui. Que cette contemplation de l’invisible au travers de l’icône, véritable Face-à-face, nous ouvre à la beauté permanente de la création. « …Comme l’enseignait saint Bonaventure : « La contemplation est d’autant plus éminente que l’homme sent en lui-même l’effet de la grâce divine et qu’il sait trouver Dieu dans les créatures extérieures ».11

La Transfiguration, notre espérance
Permettez-moi de conclure cette mini conférence de Carême avec les paroles du pape François dans sa lettre encyclique ‘Laudato Si’ :

« … Le Christ ressuscité habite au fond de chaque être et l’entoure de son affection comme en le pénétrant de sa lumière…
J’invite tous les chrétiens à expliciter cette dimension de leur conversion, en permettant que la force et la lumière de la grâce reçue s’étendent aussi à leur relation avec les autres créatures ainsi qu’avec le monde qui les entoure, et suscitent cette fraternité sublime avec toute la création, que saint François d’Assise a vécue d’une manière si lumineuse. »12

« à la fin, nous nous trouverons face à face avec la beauté infinie de Dieu (cf. 1 Co 13, 12) et nous pourrons lire, avec une heureuse admiration, le mystère de l’univers qui participera avec nous à la plénitude sans fin. Oui, nous voyageons vers le sabbat de l’éternité, vers la nouvelle Jérusalem, vers la maison commune du ciel. Jésus nous dit : « Voici, je fais l’univers nouveau » (Ap 21, 5). La vie éternelle sera un émerveillement partagé, où chaque créature, transformée d’une manière lumineuse, occupera sa place et aura quelque chose à apporter aux pauvres définitivement libérés. »13

Amen

Notes

1 cahier évangile n°46 de décembre1983
2 « Laudato Si », lettre encyclique du saint Père François sur la Sauvegarde de la maison commune donné à Rome le 24 mai 2015 – § 235, citation de J-Paul II
3 message du pape François pour le Carême 2016
4 d’après une icône crétoise du milieu du 16e s.
5 L’icône – art et pensée de l’invisible. Bruno Duborgel – CIEREC travaux LXXIII – Université Jean Monnet, St-Étienne, 1991, p.83-84
6 homélie sur la Transfiguration de Notre Seigneur du père Michel Evdokimov le 8/08/2004 à la crypte
7 id ; note 2, § 215
8 id ; note 2, § 217
9 id ; note 2, § 225
10 id. note 5
11 id note 2, § 233
12 id note 2, § 221
13 id note 2, § 243

 

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Passer sur l’autre rive

Le fil de l’évangile de ce dimanche 2 août 2015 (18e dim ord B) est très lumineux : c’est une invitation à passer d’une rive à l’autre rive. Non pas vers une autre rive mais vers L‘autre rive, celle qui passe du terrestre (périssable) au spirituel (éternel). Le diagnostic de Jésus est d’ailleurs assez sévère sur la seule recherche de la nourriture venue de la terre.

Un livre vient d’être mis dans mes mains : « La beauté sauvera le monde » du dominicain Bernard Bro. Je rends grâce pour ce signe puisqu’il correspond pour une part à la mission que l’évêque m’a confié au jour de mon ordination :

« Dans la perspective définie par le texte d’orientation de la catéchèse, vous serez sensible au langage artistique qui permet à l’Église de « rendre perceptible, et même, autant que possible, fascinant, le monde de l’esprit, de l’invisible, de Dieu… La beauté est un chemin… »

Oui la beauté est un chemin qu’il nous faut redécouvrir régulièrement, tous les jours, à chaque instant peut-être ? Cette nourriture « spirituelle » que je disais en introduction, vous avez la chance d’en avoir des propositions ici-même, en cet instant à l’étage de la rotonde…

C’est donc à un déplacement que je vous invite « l’autre rive » : partez du milieu de la rotonde, ici même au chœur de cette basilique (Neuvy-Saint-Sépulchre dans l’Indre), la partie sainte de l’édifice où se trouvent les tables de la Parole et de l’eucharistie. Commencez votre déplacement en vous approchant de la Parole comme source première. Transmise de manière orale pendant des siècles, elle fut finalement écrite, et elle nous est parvenue aujourd’hui dans différentes traductions. Prenez votre nourriture à cette source : on dirait plutôt boire à la source mais j’aime à dire « manger, mastiquer, maturer la parole ». Le temps s’écoule plus longuement ainsi, c’est un préliminaire à une bonne assimilation (comme pour notre estomac !) Lorsque cette nourriture de la parole est encore sur vos lèvres, prenez le chemin, l’ascension de la rotonde. Comme en montagne les hautes marches vous invitent à cheminer lentement, très lentement… pour ne pas fatiguer le corps, pour arriver au sommet.

Arrivés à l’étage, vous serez sur une « autre rive ». Accueillis par plusieurs dizaines de sources lumineuses… Pas n’importe quelles sources, puisqu’elles ont la même sève divine. Des sources à la fois différentes et à la fois d’une seule unicité. Expressions de la foi de nos prédécesseurs sur terre, pour rejoindre le ciel. Expressions d’hier, de plusieurs siècles parfois, mais oh combien inspirantes pour nous aujourd’hui !

Face à l’icône, le chrétien entre en prière pour une certaine forme de communion avec le saint représenté, et en ne s’attachant pas à l’expression figurative, il pourra toucher avec son cœur l’invisible présence de Dieu. La démarche est à la fois historique, inscrite dans une Tradition, et orientale. L’icône est lumière.

Face à la peinture, le visiteur se place aux côtés d’un artiste qui, librement inspiré par sa vie et son environnement, a traduit dans une gestuelle particulière, une scène d’origine biblique. Cheminer au travers d’expressions contemporaines et occidentales. La peinture est reflet.

Face à la mosaïque, le visiteur est transporté dans une matière solide où réfléchit la lumière solaire. L’œuvre résulte d’un assemblage cohérent de petits éléments individuellement quelconques. Ce choix artistique traverse le temps et les hommes. La mosaïque est corps.

Face à la photo, la lumière se fige, comme une suspension du temps. Sommes-nous entre le ciel et la terre ou bien sur les deux en même temps ? La photo est beauté.

…/… Invités à redescendre au rez-de-chaussée nous retrouvons la table de la Parole où Jésus nous demande d’avoir la même avidité pour la nourriture spirituelle que celle que nous avons pour la nourriture terrestre. A la table eucharistique Il est là, vivant qui s’offre à nous… dans le creux de notre main.

« Moi, je suis le pain de la vie.
Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ;
celui qui croit en moi n’aura jamais soif. »

… et nous : de qui avons-nous faim et soif ? (extraits de l’homélie du diacre J-Pierre)

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L’autre rive…

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La Basilique vue de l’étage de la rotonde un après-midi

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Icône, mosaïque et peinture à l’huile

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Sources lumineuses

Transfiguration

L’homme est traversé par Dieu. Tout ce qui est chair, en nous, doit devenir lumière, transparence : nous conformer à Jésus.

La gloire n’est pas celle du dernier jour (il n’y a encore que les vêtements et son visage). Il faudra passer par la mort, la crucifixion du Christ et sa résurrection pour prétendre au royaume. La transfiguration vient soutenir les disciples dans la prochaine agonie du Christ.
Nous sommes tous appelés à être transformés davantage par l’action de l’amour de Dieu pour refléter la gloire du Seigneur et « nous sommes transfigurés en son image, avec une gloire de plus en plus grande, par l’action du Seigneur qui est Esprit. » (2 Co 3,18) …/…

L’icône de la Transfiguration
Sur le sommet d’une montagne brune parsemée d’arbres, on voit Jésus, debout, amorçant un geste de bénédiction (les deux natures de Jésus Christ, humaine et divine, dont l’union est figurée par la jonction du pouce et de l’annulaire de la main droite qui bénit) …/…

Sur deux montagnes latérales (aux couleurs plus froides), Élie et Moïse (les deux voyants de l’Ancien Testament – les Prophètes et la Loi) semblent converser avec Jésus, qui ne leur répond par directement. Regardez l’orientation de son visage : Il s’adresse à celui, celle qui prie l’icône. Jésus s’adresse à l’humanité entière. Nous sommes tous concernés par cet éblouissement, par sa Parole. La montagne n’est-elle pas le lieu privilégié de la rencontre avec Dieu, le lieu de la révélation ?

Deux scènes s’insèrent dans le milieu de l’icône, à l’horizontal, une scène qui traverse l’espace-temps de notre monde « Dieu qui est, qui était et qui vient », maintenant, hier et aujourd’hui. La permanence de Dieu dans notre vie, éphémère.

À gauche, Jésus emmène seulement 3 disciples, Pierre, Jacques et jean. Il s’agit de ceux qui ont été témoins de la résurrection-réanimation de la petite fille de Jaïre, le chef de la synagogue (Mc 5,37). Et ce sont les mêmes apôtres qui seront témoins de l’agonie de Jésus à Gethsémani (Mc 14,33). Là encore, une certaine permanence dans l’accompagnement du Christ : dans la souffrance (que ce soit la mort de la fille de Jaïre, sa propre agonie mais encore aujourd’hui avec nous, dans notre péché). Un accompagnement vers la résurrection, notre résurrection, notre avenir, notre espérance, notre salut.

À gauche de l’icône, Jésus entraîne les 3 disciples à sa suite. À droite, Jésus les envoie en mission, tout en leur défendant de dire quoi que ce soit avant que le Fils de l’homme ne soit ressuscité ! Faire confiance au Christ, quoi qu’il arrive. Marc nous rapporte avec force la voix de Dieu : « Écoutez-le ! » Jésus est bien le prophète annoncé par Moïse (Dt 18,15).

Dans ce mouvement transversal, on devine une légère ascension… vers le Christ… puis une légère descente. Puis-je faire une analogie avec l’élévation de l’hostie par le prêtre, tenue à bout de bras : Christ présent au milieu de nous ?

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Icône de saint Joseph portant l’enfant Jésus

D’après une icône de l’église Saint-Julien-le-Pauvre (paroisse grecque melkite catholique de paris).

Dans cette icône, Joseph porte l’enfant sur son épaule, un peu comme le légendaire saint Christophe. La main gauche de Joseph est ouverte, la paume recevant la pointe du pied de Jésus. Nous pouvons rapprocher cette position de la main, du geste que nous faisons pour recevoir l’hostie/corps du Christ. Nous recevons la personne du Christ pour inonder notre corps entier de son amour. Joseph a accepté ce don de Dieu dans le corps de Marie et il a accepté Jésus dans sa famille. La position des pieds de Jésus peut encore évoquer une certaine dynamique, Jésus sur le départ. Sa mission future dépasse la tendresse humaine pour rejoindre la tendresse de Dieu, pour nous inviter à changer notre regard, à tourner notre regard vers Dieu… vers cette main qui bénit et qui désigne le ciel.

Joseph lève la tête et son regard se dirige vers le geste de bénédiction qu’ébauche Jésus. Dieu bénit son peuple. Jésus regarde son père adoptif avec une certaine tendresse qu’accompagne sa main gauche entourant son cou.

Cette proximité, cette complicité, cette tendresse n’évitera pas l’échappée de Jésus au Temple lorsqu’il avait douze ans (Lc 2, 41-50). Et l’évangéliste de terminer son chapitre sur les paroles suivantes : « Il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes. »

La tendresse d’une mère et la tendresse d’un père. Une seule et même tendresse qui naît d’un couple qui se place sous le regard aimant de Dieu. L’enfant, nouvelle créature de Dieu, donne toute sa confiance à ses parents. Et nous, parents, sommes-nous bien conscients de cette immense confiance de nos enfants ?

À l’approche de Noël, soyons des parents plein de gratitude pour nos enfants, soyons plein d’amour pour eux… même s’ils prennent un chemin différent du nôtre.

Article du diacre Jean-Pierre – Parution dans le bulletin de la Neuvaine perpétuelle au Sacré-Cœur de Bourges de l’Avent & Noël 2014 en sa 95e année.

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Commentaire de l’évangile de la Vigile Pascale (Lc 24,1-12) – Bulletin de la Neuvaine au Sacré-Cœur de Bourges, Pâques 2013

« L’art byzantin a adopté deux représentations du mystère de Pâques : « la Descente aux Enfers » et « les Femmes au tombeau ». C’est ce dernier thème qui est présenté ci-contre. Trois femmes découvrent le tombeau vide, une sorte de mangeoire qui n’est pas sans rappeler la naissance du Fils de Dieu. L’art de l’icône ne sépare pas la naissance de Jésus, l’incarnation, de la nouvelle naissance, la résurrection. Dans le texte de Luc, comme sur cette icône, la résurrection a déjà eu lieu.

Cet événement n’est-il pas déjà trop grand pour être saisi par la compréhension des hommes ? Les témoins de l’événement et nous autres à deux mille an-nées de là font face à un mystère que nous acceptons tous dans la foi. Le linceul qui conserve encore le volume du corps est béni par deux anges. Leurs vêtements éblouissants n’est pas sans rappeler la transfiguration du Seigneur sur le mont Thabor. Cette manifestation de la Gloire de Dieu, par sa puissance fait naître en nous un sentiment de petitesse et de fragilité. Les trois femmes ne baissent-elles pas la tête, saisies de crainte et se serrant l’une à l’autre ? Mais qu’avons-nous à craindre de Dieu ? Rien du tout, puisqu’il nous invite sans cesse à sa table eucharistique. Rien du tout puisque tous les baptisés sont passés de la mort à la vie.

La résurrection est un acte créateur imprévisible de Dieu, que seule, la foi peut saisir… Les deux anges disent aux femmes « Rappelez-vous ». Le premier effet de la résurrection de Jésus est une résurrection de la mémoire. Les saintes femmes, et à travers elles les lecteurs (que nous sommes), doivent se rappeler les paroles prophétiques de Jésus. C’est une cohérence du Dessein de Dieu tel qu’il se révèle déjà dans les Écritures.

Nous voilà devant un mystère qui vient de la Parole (première), qui a pu faire naître des représentations artistiques (seconde) qui nous ouvrent de nouveau à la Parole. Ainsi, ne dit-on pas que l’icône est écrite ? Il est le Vivant ! Comme notre lecture de l’icône, nous sommes invités à passer de la crainte à la confiance, de la mort (de tout ce qui fait obstacle à l’amour de Dieu) à la vie, de la tristesse à la réjouissance. Nous sommes invités à marcher et à cheminer pour se régler sur les pas de Dieu… Car nous avons rendez-vous avec la lumière, nous avons rendez-vous avec le Vivant ! Les femmes myrophores sont revenues auprès des Apôtres pour témoigner de cet incroyable événement qu’Il nous avait promis. Nous aussi, témoignons qu’Il est la vie.
1 Michel Hubaut, franciscain « Du corps mortel au corps de lumière », Cerf, 2009

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Icône en cours de réalisation

Extrait de l’homélie du 4e dimanche de l’Avent 2011, méditation sur l’icône de l’Annonciation :

Visible, invisible

Marie est assise sur un trône et ses pieds s’appuient sur un piédestal, parce qu’elle a été mise au-dessus de la nature angélique. Complémentarité entre le dynamisme de l’ange et la position quasi statique de Marie. Elle est au travail avec la quenouille, elle file le pourpre et l’écarlate, deux étoffes précieuses (comme nous pouvons le lire dans le Protévangile de Jacques). Marie porte des vêtements royaux, un manteau de cette couleur rouge violacée, pourpre, portée sur une tunique de couleur bleue. Quant à Jésus son fils, il porte une tunique pourpre et un manteau de couleur bleue. Cette inversion, cette complémentarité dit le lien unique de ces 2 personnes.

3 étoiles apparaissent sur le manteau, signe de la sanctification de la Trinité, en tant que Mère de Dieu : Vierge avant, pendant et après l’accouchement.

L’ange porte des vêtements blancs : la couleur qui précède la lumière du matin, la couleur qui annonce la naissance, la vie. Il tient dans la main gauche un long bâton (sceptre d’or ou de cristal qui signale l’excellence de sa mission), symbole de l’autorité et de la dignité de l’individu, du messager, du pèlerin. Une aile de l’ange est encore déployée. Il est en mouvement du ciel vers la terre. Il adresse une main tendue à Marie, il lui communique une annonce. Les 3 doigts ouverts (index, médium et auriculaire) veulent rappeler la Trinité, et que le Christ est l’une des trois personnes divines.

Son regard est dirigé vers Marie. C’est Elle et pas une autre, une façon de la nommer, qui dit l’importance de la personne aux yeux de Dieu. Lui, nous appelle par notre prénom, le seul vrai nom qui nous signifie.

Marie

Marie

Cette rencontre se détache d’un fond couvert de feuilles d’or. Il n’y a pas de ciel, ni de soleil, ni de nuages… rien que l’éclat le plus précieux, une lumière qui nous précède, une lumière créatrice, une lumière pour demain. C’est ainsi que la prière de la liturgie des Heures nous invite à bénir Dieu qui est, qui était et qui vient. Le temps de Dieu n’est pas le nôtre.

Revenons à la scène, à cette parole de l’ange qui commence par une salutation.
Marie reçoit le titre de « Comblée-de-grâce » : 3 mots réunis par un trait d’union. C’est plus fort que « pleine de grâce » de notre « Je vous salue Marie ». On est dans le débordement de grâces. Quand Dieu donne, il donne avec abondance, avec surabondance.
Pauvre que je suis, de n’entrouvrir mon cœur à cette grâce, pauvre que je suis à n’entrouvrir mes yeux à cette lumière, offerte par notre Dieu !

Comment Marie reçoit-elle ce don de Dieu ? Après quelques interrogations biologiques, bien naturelles, elle reste prudente (voir le geste de sa main, la paume tournée vers l’extérieur : perplexité, refus dans un premier temps ?) puis Marie va aller chercher la réponse au fond de son cœur. Marie, la croyante, prononce son Fiat, son « Oui », pour devenir mère, pas n’importe quelle mère, celle du Fils de Dieu !

Les mamans, ici présentes, connaissent seules le bouleversement, les douleurs et la joie profonde de donner naissance.

Un rayon traverse le ciel et atteint Marie : c’est l’Esprit Saint à l’œuvre. L’évangéliste nous dit : « l’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre. »
Une ombre protectrice, car c’est à l’ombre de la main puissante de Dieu que l‘on trouve la plus sûre des protections (Ps 17,8 ; 36,8 ; 57,2 ; 63,8 : « à l’ombre de tes ailes j’ai crié de joie »). En Actes 5,15 : « On venait à sortir les malades dans la rue, on les plaçait sur des lits ou des civières, afin que Pierre, au passage, touche au moins l’un ou l’autre de son ombre. » Marie croit en la puissance de Dieu.
« Je crois en un seul Dieu, le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible… » (Profession de foi, symbole de Nicée, en l’an 325)

Prenons quelques instants de silence pour faire mémoire de l’inattendu appel de Dieu dans notre vie.

La résurrection du Christ

« Je vous rappelle, frères, l’Évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, auquel vous restez attachés, et par lequel vous serez sauvés si vous le retenez tel que je vous l’ai annoncé ; autrement, vous auriez cru en vain. Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’avais reçu moi-même : Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures. Il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures. Il est apparu à Céphas, puis aux Douze.

Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois ; la plupart sont encore vivants et quelques-uns sont morts. Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. En tout dernier lieu, il m’est aussi apparu, à moi l’avorton. Car je suis le plus petit des apôtres, moi qui ne suis pas digne d’être appelé apôtre parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu. Mais ce que je suis, je le dois à la grâce de Dieu et sa grâce à mon égard n’a pas été vaine. Au contraire, j’ai travaillé plus qu’eux tous : non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi. Bref, que ce soit moi, que ce soit eux, voilà ce que nous proclamons et voilà ce que vous avez cru. »

TOB (1 Co 15, 1-11)